5-ème dimanche de carême Troyes 2016

 Dimanche prochain, nous fêterons l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem qui sera suivie de la semaine de la Passion qui aboutira à la fête de la Résurrection du Christ. Le Grand carême est un temps de prière, de jeûne et de méditation. Pendant le carême, nous essayons de vivre comme nous devrions vivre en permanence, tout le reste de l’année. Faisons le point. En quoi nous distinguons-nous de ceux qui ne sont pas chrétiens ? En quoi nous distinguons-nous des chrétiens dont le chemin est plus ou moins différent du nôtre, même si nous allons dans la même direction ? Et enfin, sommes-nous vraiment ecclésialisés ?

L’ecclésialisation de notre vie, préconisée par nos prédécesseurs dans l’Archevêché, fait partie de l’héritage que nous avons reçu du Concile de Moscou de 1917-1918. La racine de ce mot est « ecclesia » – « église » en grec. L’Eglise, cette construction mystique dont le Christ est la tête et les vivants et les défunts sont le corps, est aussi l’institution humaine, fondée par le Christ. L’ecclésialisation de notre vie est notre participation à cet édifice à la fois mystique et humain. Elle est un mode de vie, complété par une prière, par un dialogue avec Dieu à la fois individuel et collectif. L’ecclésialisation ne s’arrête pas dès que nous sommes sortis de l’église avec un « e » minuscule. Elle se manifeste aussi, ou ne se manifeste pas dans notre quotidien.

Quelle part accordons-nous à « l’individuel », quelle part accordons-nous au « collectif », et à l’Eglise-institution ? La tentation est grande de se passer d’intermédiaire, avec l’illusion que l’on peut avoir, tout seul, une relation directe avec Dieu. Dans la prière que le Christ nous a léguée, nous n’utilisons que la première personne du pluriel – nous nous adressons à « notre Père». Dans la prière à l’Esprit Saint, dans la prière au Roi céleste, c’est aussi le « nous » qui est utilisé. Dans ces deux prières, il ne s’agit pas d’un « nous » littéraire, il s’agit d’un « nous » collectif qui désigne l’ensemble que nous constituons dans l’Eglise. Le Christ a dit à Ses disciples que « là où deux ou trois seraient réunis en Son Nom, Il serait au milieu d’eux ». C’est en s’appuyant sur ces paroles qu’au cours de la liturgie, le célébrant annonce aux fidèles : « le Christ est parmi nous » et qu’ils répondent : « Il est et Il sera ». Que ce soit dans les litanies ou dans presque toutes les prières, la 1-ère personne du pluriel prédomine très nettement sur la première du singulier. Nous ne passons à la première personne du singulier, nous ne passons au « je », qu’à deux moment de la liturgie : dans le credo : « Je crois en un seul Dieu, (…) et dans la prière avant la communion : « Je crois, Seigneur et je confesse, que Tu es en vérité le Christ, le Fils du Dieu vivant, venu sauver les pécheurs dont je suis le premier ». Le « je » est la marque d’un engagement personnel. Mais nous nous engageons tous ensemble.

Quelles conclusions peut-on tirer de tout cela ? La foi ne peut être qu’individuelle, mais elle n’a aucun sens si elle est centrée sur notre seule personne. La prière doit également, impérativement, être collective. On ne peut faire abstraction de son prochain. D’ailleurs, un prêtre orthodoxe n’a pas le droit de célébrer seul. L’Esprit est, certes, présent en tout lieu, et la prière individuelle est nécessaire et incontournable. Mais le Christ nous demande de la compléter par une prière collective, dont nous ne pouvons faire l’économie. L’une ne va pas sans l’autre. Et la vie spirituelle est plus que bancale, si l’on privilégie la prière individuelle, si l’on estime que l’on peut se passer de la prière collective en Eglise.

Dans la liturgie de Saint Basile nous prions pour ceux qui se sont absentés pour « de justes raisons », pour des raisons de santé ou de force majeure. Cela veut dire que dans la plupart des cas, quand nous n’allons pas aux offices pour «convenances personnelles», pour ne pas dire autre chose, nous nous mettons en dehors de l’Eglise (avec un E majuscule). Le carême est là pour nous aider à retrouver le bon chemin, essayons d’en tirer profit, sans oublier que dans notre paroisse, avec des vêpres et une liturgie mensuelles, le régime est plus que léger par rapport aux normes orthodoxes en vigueur. Gardons à l’esprit que les offices nous apportent plus de bienfaits qu’ils ne nous demandent d’efforts, et que les négliger est dangereux sur le plan spirituel.

Dimanche de Zachée  Troyes 02 / 2016   Lc 19, 1-10

         Nous sommes tous des « Zachée ». Mais qui était Zachée ? Il était le représentant de tout ce qui était rejeté par ses contemporains. Il était riche dans une région où presque personne ne l’était, dans une région où une vie frugale, une vie modeste était la norme. Et sa richesse était le résultat de malversations. La plupart d’entre nous n’entrent ni dans la catégorie des riches, ni dans celle des voleurs en cols blancs. Alors en quoi sommes-nous des Zachée ? Nous le sommes, parce que nous nous péchons en permanence, parce que nous sommes tous des pécheurs. Si nous n’en avons pas conscience, il faudrait alors que nous nous inspirions de l’humilité de Zachée – il veut absolument voir le Christ, mais ne se sent pas digne de l’approcher. Il ne se met pas au premier rang à Son passage, comme il pourrait le faire en tant que notable, il grimpe sur un arbre, sans avoir peur du ridicule. Il fournit un effort inouï – imaginez le directeur des impôts ou un haut-fonctionnaire de Troyes grimpant sur un réverbère ou un arbre, au passage d’un prédicateur qui prêcherait dans les rues de la ville. Notre présence aux offices, elle ne demande pas ce genre d’effort, et pourtant …

Il faudrait aussi que nous nous inspirions de la conversion de Zachée. Il est tellement surpris que le Christ S’invite à Sa table qu’il décide de changer de vie. Lorsque nous participons à la liturgie, nous aussi répondons à l’invitation de Dieu qui nous invite chez Lui, dans Ses demeures que sont les églises de pierre ou de bois bâties par les hommes pour L’accueillir. En cela, nous invitons également le Christ à venir chez nous, et en nous. L’invitation est double, mutuelle.

Il arrive parfois, malheureusement, qu’à l’invitation à la liturgie, soient préférées les invitations du monde. Nous rendons-nous compte de ce que cela signifie ? Aurions-nous honte de donner la priorité à la vie ecclésiale ? Ressentons-nous le même sentiment d’indignité qu’a éprouvé Zachée, ou bien oublions-nous à quel point nous sommes pécheurs, à quel point nous sommes loin de la perfection à laquelle nous sommes appelés – ce qui devrait nous empêcher de dormir ? Estimons-nous que c’est à nous que le Christ devrait être redevable, parce que nous avons sacrifié notre dimanche matin ? Et si, par bonheur, ce n’est pas le cas, si nous nous rendons compte que nous ne méritons pas plus l’indulgence du Christ, que Zachée ne l’a méritée, que faisons-nous en sortant de l’église, que faisons-nous après l’office, dans notre quotidien, pour changer notre vie, comme Zachée a changé la sienne, pour mettre notre vie le plus possible en accord avec ce que Dieu attend de nous ?

Dieu n’attend pas de nous que nous devenions parfaits, Il sait, et les apôtres savaient que cela est impossible, mais Il attend que nous fournissions au moins des efforts, et sans attendre une quelconque récompense.

Les portes du Royaume sont étroites, le Christ les a comparées à celle d’une porte d’entrée à Jérusalem, trop basse pour que les chameaux puissent passer debout et avec leur chargement. Et dans la parabole du « Serviteur inutile », Il nous fait comprendre que si nous parvenons à quelques résultats, nous ne faisons que ce qu’il faut et ne devons en attendre aucune gloire. Malgré ces deux avertissements formulés par des paraboles, continuons de fournir des efforts, même si nous ne constatons que peu de progrès, sachant que si nous le faisons, Dieu compensera nos insuffisances, parce que ce qui est impossible aux hommes et possible à Dieu.

Nous allons entrer la semaine prochaine en période de pré-carême. Il est difficile à raison d’un office par mois de s’en rendre compte. La lecture, en fonction des possibilités de chacun des textes quotidiens, ou au moins hebdomadaires, indiqués dans le calendrier liturgique, aide à cette préparation. Le chemin vers l’ascèse physique est lui aussi progressif. Il se fait en douceur. Le dimanche 6 mars est celui du carnaval c’est à dire de l’adieu à l’alimentation carnée. Commence alors la semaine des laitages et du poisson, auxquels on renonce à leur tour le dimanche du Pardon.

Message de Noël 2015 de Son Excellence, Évêque de Charioupolis,Vicaire Patriarcal et Locum-tenens

(JPEG)Chers Révérends Pères, frères et sœurs,

Nous entrons dans la période préparatoire de Noël, le jeûne de l’Avent est déjà commencé, aussi sommes-nous orientés maintenant vers la célébration d’un événement qui a changé le cours du monde : la naissance de Dieu selon la chair. Poser une telle affirmation ne relève que de la foi et non de la rationalité. Celui qui la pose fait un choix, engage sa vie tout entière.

Or le Christ ne naît ni à Rome ni à Athènes. Il n’a choisi ni le pouvoir ni la richesse. Il n’a même pas choisi Jérusalem, la « Ville » où réside la présence de Dieu dans le Temple. Le lieu qui a entendu la première respiration du Dieu fait homme, c’est l’humble grotte de Bethléem. De même le choix du Christ ayant fait de nous des citoyens de Bethléem, nous devons faire nôtres l’humilité et la pauvreté de la grotte. Dieu a fait de cette bourgade méprisée et inconnue des hommes le lieu par excellence de sa révélation. Il a choisi ce qui n’était rien, ce qui était pauvre, ce qui était vraiment humain pour dire aux hommes que Lui, le Dieu Créateur, voulait aussi être comme l’homme, vivre avec lui, assumer toute l’angoisse, la pauvreté, la tragédie de l’homme, du petit homme que nous sommes tous. Noël c’est cette grotte, cette paille, ces humbles animaux et deux être pauvres mais pleins de confiance qui regardent cet enfant que les anges proclament comme : « un Sauveur vous est né ».

Car la naissance de Jésus à Bethléem n’est pas qu’un événement historique, perdu au fin fond de l’histoire, et qui ne me concernerait pas, moi l’homme du vingt-et-unième siècle. Le message de Noël ne s’adresse pas à l’humanité en général (qui comme telle n’est rien) mais il s’adresse à chaque homme en particulier, comme personne. Il atteint chaque âme, d’une manière unique, exceptionnelle. C’est à moi que l’on dit « Voici que je vous annonce une grande joie… aujourd’hui, il vous est né un Sauveur » (Luc 2, 10-12). C’est à chacun de nous que cette joie est annoncée. C’est pour moi qu’un Sauveur est né. Noël est pour chaque homme un don qu’il faut savoir accueillir et recevoir avec foi et reconnaissance.

La Nativité du Christ dans la simplicité de la grotte et de la crèche déclare avant même toute parole que Dieu veut être compté parmi les plus pauvres, parmi les plus humbles de la terre. On le trouvera donc parmi les déshérités de ce monde leur nombre ne cesse de s’accroître, les malades, les prisonniers, les pêcheurs et toute âme souffrante. Le vrai chrétien ne désire qu’une chose, être pauvre avec Jésus, plutôt qu’être riche sans Jésus. Il préfère habiter dans la grotte avec Jésus, Marie et Joseph, plutôt que dans une hôtellerie ou il n’y aura pas de place pour lui s’il dit qui Il est. Aussi, selon la parole de Jésus enseignant ses disciples, quiconque l’aimera comme Maître doit savoir qu’il n’a pas de place en ce monde car : « le Fils de l’homme n’a pas ou reposer sa tête » (Luc 9,58).

La Nativité du Christ, c’est la fête du corps mystique de tous les baptisés, car c’est par l’Incarnation que les hommes sont devenus membres du Christ. Saint Paul avait bien compris cela lorsqu’il écrivait aux Corinthiens : « Vous êtes le Corps du Christ, et membres chacun pour sa part » (Cor. 1, 12-17). Aussi nous croyons qu’avec l’Incarnation a commencé dans la chair humaine, en Jésus-Christ et les hommes, une union ineffable qui dépasse tout entendement. Car au-delà de l’événement historique qui se produit à Bethléem et par lequel le Fils de Dieu revêt un corps humain visible, un autre événement se produit et celui-là intéresse la race humaine tout entière : Dieu, en s’incarnant, épouse et revêt la nature humaine dont nous sommes participants et crée entre lui et nous une relation qui, sans cesser d’être celle de Créateur à créature, est aussi celle du corps aux membres. Il y a union des deux natures sans confusion. Noël nous permet ainsi de prendre plus profondément conscience de ce qu’est notre propre nature : une nature humaine, régénérée par Jésus-Christ comme le souligne saint Léon-le-Grand : « Reconnais, ô Chrétien, ta dignité et, admis à partager la nature divine, ne reviens pas à ton ancienne bassesse par une manière de vivre dégénérée. Souviens-toi de quelle tête et de quel corps tu es membre ». (Homélie pour la Nativité).

Ainsi, que la Parole de Dieu devienne donc chair en nous, ce lieu créé pour son accueil, qu’elle entre dans notre être et le transforme. Que la force de cette parole passe de l’extérieur à l’intérieur dans nos membres et que la loi de l’Esprit l’emporte sur la loi de la chair. La Nativité du Christ n’aura pour nous un sens réel que si notre propre chair devient transformée, mue et dominée par la Parole faite chair.

À tous sainte fête de la Nativité.

+ Jean, Évêque de Charioupolis, Vicaire Patriarcal et Locum-tenens

Paris, le 23 décembre 2015

Fête paroissiale

Saint Nicolas  Lc 14, 16-24 Cl 3, 4-11

Nous avons reporté à aujourd’hui notre fête paroissiale. Nous fêtons avec quelques joues de retard Saint Nicolas, archevêque de Myre en Lycie et thaumaturge, c’est-à-dire guérisseur, nous fêtons le protecteur de notre paroisse.

Saint Nicolas est né à la fin du 3-ème siècle, vers l’an 260, dans la ville de Patara, au sud de la Turquie actuelle, dans la province antique de Lycie, pas très loin de la ville de Myre dont il est devenu l’archevêque. Saint Nicolas est mort il y a 1670 ans, le 6 décembre 345, à la suite d’une courte maladie.

L’histoire est une science humaine, elle est souvent moins précise que les mathématiques ou la chimie – cela explique pourquoi les dates de naissance et de mort de saint Nicolas varient selon les sources, et pourquoi l’histoire de sa vie, son hagiographie, comme on dit de la vie des saints, est extrêmement « colorée ». Il est difficile de démêler le vrai du faux, ce qui, en fait, a peu d’importance et n’empêche pas qu’il soit un des saints les plus vénérés dans le monde chrétien. Ce dont on est certain est qu’il a succédé à son oncle, archevêque de Myre en Lycie, vers l’an 300 et qu’il a participé au 1-er Concile de Nicée en 325 où il a combattu l’hérésie d’Arius. On lui attribue un très grand nombre de miracles, dont le point commun est la manifestation de l’amour du prochain que Saint Nicolas a manifesté à chaque fois. Il est le protecteur, entre autres, des enfants, des marins, des marchands et de tous ceux qui ont été condamnés injustement. Il est aussi le nôtre. Cette attribution des miracles aux saints est un raccourci. Les saints intercèdent auprès de Dieu, et c’est Dieu qui fait les miracles et non les saints. Dieu écoute les prières des saints et les exauce. L’apôtre Jacques a écrit que « la requête d’un juste (la requête d’une personne proche de Dieu) agissait avec beaucoup de force ». L’apôtre Jean a énoncé les conditions à remplir pour que ces prières soient entendues dans sa première épître : « Si notre cœur ne nous accuse pas, nous nous adressons à Dieu avec assurance ; et quoi que nous Lui demandions, nous l’obtenons de Lui, parce que nous gardons Ses commandements et faisons ce qui Lui plaît ».

Nous sommes loin de satisfaire à ces conditions, et demandons donc l’intercession des saints, de ceux qui sont proches de Dieu, de ceux qui « ont gardé Ses commandements » et qui intercèderont pour nous si ce que nous demandons à Dieu ne va pas à l’encontre de Son projet pour chacun d’entre nous. La prière de nos intercesseurs a plus de chances d’être exaucée que la nôtre, mais cela ne doit pas nous empêcher de joindre nos prières aux leurs. Le Christ a aussi écouté les prières des pécheurs.

Le prophète Jérémie avait ouvert la voie en annonçant au chapitre 28 de son livre de prophéties: «  Moi, Je sais les projets que J’ai formés à votre sujet – oracle du Seigneur – projets de prospérité et non de malheur : Je vais vous donner un avenir et une espérance. Vous M’invoquerez, vous suivrez Ma voie, vous m’adresserez vos prières, et Moi, Je vous exaucerai ».

Il ne nous est pas interdit de demander à Saint Nicolas d’intercéder auprès de Dieu pour qu’Il nous aide dans notre projet de transformation de la grange de Saint André qui nous a été cédée par nos frères catholiques. N’oublions pas que nous sommes en plein carême de Noël. Pour ce qui est des efforts spirituels qui nous sont demandés, ils sont résumés dans l’épître lue aujourd’hui : « Faisons mourir en nous ce qui appartient à la terre : débauche, impureté, passion, désir mauvais et cupidité ». (…) « Débarrassons-nous de toute colère, irritation, méchanceté, injures, grossièreté ». (…) Revêtons des sentiments de compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur et de patience ». (…) « Et par dessus tout, revêtons l’amour : c’est le lien parfait ». « Et vivons dans la reconnaissance ».

Tout est dit, et ce à quoi invite l’apôtre Paul est plus important que la partie matérielle du carême, même si cette partie matérielle peut nous aider dans les efforts spirituels que nous sommes appelés à fournir en préparation à la Nativité.

Liturgie

         L’Eglise a fêté vendredi dernier Saint Jean Chrysostome, dont nous célébrons jusqu’à présent la liturgie qui est un joyau à la fois théologique et esthétique.

        Nous vivons dans un pays qui fut longtemps chrétien. Il l’est un peu moins maintenant. Lorsque l’Eglise était indivise, nos traditions étaient très semblables. Les fresques de l’époque romane ne devaient pas choquer un chrétien de l’Empire byzantin. Après la séparation de nos Eglises, chacune a évolué de façon différente et la tradition catholique, même si elle est restée assez proche de la nôtre a connu un schisme et une autre tradition, plus dépouillée, plus austère a vu le jour sous l’impulsion de Luther et de Calvin. Les animosités qui ont pu naître entre nos Eglises se sont apaisées au 20-ème siècle et nos relations sont maintenant cordiales et fraternelles, malgré nos différences, même s’il reste des incompréhensions, même si persistent, de part et d’autre des jugements, même s’il reste des a priori. C’est regrettable, mais c’est humain. Nous ne sommes pas parfaits. Il arrive que certains, parmi nos frères chrétiens, même bienveillants, émettent des réserves sur ce qu’ils ressentent comme une forme de théâtralité dans nos offices, dans nos liturgies, surtout quand elles sont pontificales.

           Il y a un peu plus de mille ans, le prince Vladimir de Kiev choisissait le christianisme byzantin pour la Russie de l’époque. Ce choix a été effectué à la suite du rapport fait par les ambassadeurs du prince, à leur retour de Constantinople. Ces ambassadeurs, qui avaient assisté à une liturgie à Sainte Sophie, la plus grande église-cathédrale de l’Empire byzantin, s’étaient alors demandé « s’ils étaient au ciel, car sur terre on ne pouvait trouver tant de beauté et de magnificence ». Dans nos églises, nous essayons, à la mesure de nos moyens, de nous inspirer de cette beauté et de cette magnificence.

          La réponse aux réserves des Occidentaux qui émettent des réserves à ce sujet est exprimée très clairement par Monseigneur Kallistos Ware, un évêque orthodoxe britannique. Il vous a souvent été dit ici que la liturgie était une anticipation du Royaume.

           Voici ce qu’en dit Monseigneur Kallistos : « Prier et célébrer, c’est percevoir la beauté spirituelle du Royaume des cieux. C’est exprimer cette beauté, à la fois par des mots, de la poésie et de la musique, par l’art et des actes symboliques et par nos vies tout entières » (…) « Nous louons Dieu non seulement avec des mots, mais aussi de nombreuses autres manières : par la musique, la splendeur des vêtements sacerdotaux, la couleur et les lignes des saintes icônes, l’articulation de l’espace sacré dans le plan de l’église-bâtiment, à travers les gestes symboliques comme le signe de la croix, l’offrande de l’encens ou le fait d’allumer un cierge, par l’usage des composantes fondamentales de la vie humaine que sont l’eau, le pain et le vin, le feu et l’huile ». (…) « Pour un chrétien orthodoxe, il est de la plus haute importance que la célébration exprime la joie et la beauté du Royaume des cieux. Sans cette dimension de la beauté, notre louange ne réussira jamais à être une prière au plein sens du terme ».

             Dostoïevsky ne disait rien d’autre quand il affirmait que « le monde serait sauvé par la beauté ».

            Monseigneur Kallistos ajoute que « cette joie et cette beauté du Royaume ne peuvent être convenablement exposées par des arguments abstraits et des explications logiques ; on doit faire l’expérience et non en discuter ». (…) « Toute la valeur du symbole dans la célébration réside dans le fait qu’il exprime quelque chose qui ne peut être dit uniquement par des paroles, que le symbole atteint une part de notre être qui ne peut être touchée par des arguments rationnels ».

            Pour résumer, la prière collective ou individuelle devrait s’affranchir, en partie, du raisonnement intellectuel. Et la perception d’un certain nombre de mystères se fait par imprégnation. La beauté des offices, et l’atmosphère qui y règne, jouent un rôle primordial. Elles laissent entrevoir la beauté infinie qui règne dans le Royaume. La beauté paisible des offices pour les défunts apaise. L’exubérance des offices de la nuit de Pâques fait entrer dans la joie pascale, même ceux qui ne sont pas vraiment pratiquants et ne se sont pas préparés comme il faudrait à la fête. Nous ne cherchons pas la beauté pour la beauté. La beauté n’est pas un but en-soi, mais par son rayonnement, elle participe à la beauté intérieure de ceux qui en sont les témoins. Nous ne sommes pas toujours à la hauteur dans nos efforts, mais il est de notre devoir d’essayer de l’être, à la fois sur les plans esthétique comme spirituel. Dans nos offices, il est normal de vouloir offrir à Dieu ce qu’il y a de meilleur : « Ce qui est à Lui, le tenant de Lui, nous le Lui offrons pour tout et en tout »- nous fait dire Saint Jean Chrysostome.

L’apôtre et évangéliste Luc

Saint Luc, apôtre et évangéliste. Troyes octobre 2015

         L’apôtre et évangéliste Luc que nous fêtons aujourd’hui fait partie des soixante-dix apôtres choisis par le Christ après la troisième Pâque qu’Il a fêtée à Jérusalem. Le chiffre de 70 est symbolique, il fait référence à deux livres de l’Ancien Testament – au Livre de la Genèse où il est écrit que 70 peuples sont issus de la descendance de Noé (au chapitre 10) et au Livre des Nombres où il est rapporté au chapitre 11 que Moïse a réuni 70 anciens sur qui l’esprit s’est posé afin qu’ils prophétisent. L’auteur du livre des Nombres ajoute que ces anciens n’ont exercé que très peu de temps leur don de prophétie.

         L’apôtre Luc a donc fait partie du collège élargi des disciples du Christ, mais pas du groupe des douze apôtres les plus proches. La Tradition dit que Luc était l’un des deux disciples d’Emmaüs.

         L’apôtre Luc est né à Antioche dans une famille de lettrés de culture grecque. Il a étudié la philosophie et la médecine. Ses études l’auraient poussé à adopter le judaïsme avant qu’il ne devienne disciple du Christ. Des quatre évangiles, c’est le sien dont le style est le plus élégant.

         L’apôtre Luc est aussi l’auteur des Actes des apôtres. Il a été le médecin personnel et le secrétaire de l’apôtre Paul qu’il a accompagné dans ses voyages, et ne l’a quitté ni quand Paul a été assigné à résidence à Césarée, ni quand il a été envoyé à Rome pour y être jugé. C’est à Rome que l’apôtre Luc a rédigé son évangile et les Actes des apôtres sous le contrôle de l’apôtre Paul. Après deux ans de captivité, Paul, toujours accompagné de son médecin et secrétaire a visité un certain nombre d’églises locales avant d’être de nouveau emprisonné à Rome, puis condamné à mort. L’apôtre Luc a alors entrepris une série de voyages, faisant un travail d’évangélisation en Italie, sur la Côte Dalmate, en Gaule, en Macédoine, à Antioche et Alexandrie. Il est mort en martyr, à l’âge de 84 ans, en Grèce centrale, dans la ville de Thèbes, capitale de la Béotie où il a été pendu à un olivier.

         Les premiers historiens chrétiens rapportent qu’en plus de ses dons intellectuels, l’apôtre Paul avait des dons d’artiste. Il aurait peint les trois premières icônes de la Mère de Dieu et les lui aurait présentées.

         Ce fait est rapporté dans l’exapostilaire, c’est-à-dire dans le tropaire qui termine le canon des matines de la fête de l’apôtre Luc : « Saint Luc, bienheureux apôtre du Christ, 
initié aux ineffables mystères et docteur des Gentils, avec le divin Paul et la pure Mère de Dieu, 
dont tu as peint la sainte icône avec amour, intercède pour nous qui vénérons 
et disons bienheureuse ta sainte dormition ».

        L’apôtre Luc a aussi peint des icônes des apôtres Pierre et Paul.

         L’apôtre Luc a fait œuvre d’historien. Il est le seul à avoir aussi longuement évoqué la Mère de Dieu, dont il n’est que très rarement fait mention dans les autres Evangiles. La Mère de Dieu est notre intercesseur numéro 1, mais d’autres justes peuvent également intercéder pour nous auprès de Dieu, car Il écoute la prière des justes. Ne négligeons pas le médecin et apôtre Luc pour qu’il demande la guérison de nos maladies physiques et spirituelles.

Rentrée de septembre

Liturgie du dimanche 20 septembre 2015-09-18

Il est très rare qu’il soit fait mention de l’actualité dans notre liturgie où nous sommes appelés à « déposer les soucis de ce monde », et tout membre du clergé doit respecter une totale neutralité sur le plan politique et doit toutefois prier pour les autorités civiles du pays où il réside. Nous allons faire aujourd’hui une exception à la première règle et je vais vous lire un communiqué de l’Assemblée des Evêques Orthodoxes de France qui rassemble tous les évêques orthodoxes canoniques, responsables de communautés dépendant de plusieurs Patriarcats, dont celui dont nous dépendons.

Communiqué de l’Assemblée des Évêques Orthodoxes de France

« N’oubliez pas l’hospitalité, car, grâce à elle, certains, sans le savoir, ont accueilli des anges » (Hb. 13, 2)

Les évêques membres de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF) manifestent leurs plus vives préoccupations face au drame humanitaire qui se déroule aujourd’hui en Méditerranée orientale. Les conflits, notamment dans cette partie du monde, qui nécessitent un règlement, ont poussé de nombreuses populations sur le chemin de l’exil, le plus souvent, au péril de leur vie.

La théologie orthodoxe à l’égard des migrants, des étrangers, des exilés est sans appel. Elle se fonde sur les paroles du Christ lui-même : « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli » (Mt 25, 35) et donne en exemple les gestes de charité du bon Samaritain (Lc 10, 25-37).

L’AEOF est donc attachée à l’accueil des migrants en France. D’ailleurs, la présence orthodoxe dans le pays est elle-même le fruit de multiples flux migratoires qui, pour des raisons politiques comme économiques, ont poussé des populations d’Asie-Mineure, du Proche-Orient, des Balkans et d’Europe orientale à y trouver refuge. Dans ce contexte de déracinement, en réponse au déchirement de l’exil, ces populations orthodoxes ont trouvé la force de s’intégrer dans un tissu sociopolitique hospitalier, tout en se constituant en diaspora. Car la France reste jusqu’à aujourd’hui un pays d’accueil, lui-même façonné par l’immigration.

La crise migratoire à laquelle la France fait face aujourd’hui ne se limite pas aux frontières de l’Hexagone, mais elle constitue aussi un défi pour l’Europe et au-delà. Il ne pourra y avoir de solidarité véritable avec les migrants, s’il n’existe pas une solidarité préalable entre les États de l’Union européenne, facilitant le partage de l’effort d’accueil et permettant de repenser la question du droit d’asile de manière plus inclusive. En effet, certains pays, comme la Grèce, sont frappés de plein fouet par cette tragique réalité et ont besoin de la mise en place de mécanismes favorisant une approche d’urgence (« hotspot ») pour permettre le traitement rapide des demandes d’asile.

Enfin, l’AEOF soutient les initiatives mises en œuvre par l’État français devant permettre l’accueil des milliers de migrants qui fuient les violences dans leur pays d’origine. Elle félicite tous les organismes politiques, associatifs et religieux, qui s’engagent en faveur de l’accueil des migrants. Elle invite ses fidèles à prier pour la paix dans ces régions du monde où le terrorisme fait rage et à se mobiliser massivement en faveur de ces populations les plus vulnérables.

Paris, le 11 septembre 2015

         Ce communiqué émanant de l’ensemble des évêques orthodoxes dépendant de Patriarcats canoniques ne prête pas à discussion. Il ne s’agit pas d’opinions individuelles et personnelles, mais de la voix de l’Eglise.

Saints Pierre et Paul

Saint Pierre et Saint Paul Troyes 2015

Nous fêtons, avec un jour d’avance, les apôtres Pierre et Paul, les coryphées et princes des apôtres. Les deux apôtres ont adressé des épîtres très riches en enseignement aux premières communautés chrétiennes. Ces épîtres ont une telle importance que l’Eglise en propose la lecture systématique tout au long de l’année liturgique. Une phrase écrite par l’apôtre Paul dans sa première épître à Timothée est surprenante. Elle pourrait s’appliquer à nous, mais comment peut-elle s’appliquer à St Paul ? Il écrit : « Le Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier ». C’est cette phrase que nous reprenons à notre compte dans la prière avant la communion que nous disons, tous ensemble, à chaque liturgie.

La première partie de la phrase ne pose aucun problème. Le Christ a affirmé qu’Il était venu sauver les pécheurs et non les justes. Qui étaient les justes de l’époque ? C’étaient ceux qui suivaient les commandements dictés par Dieu à Moïse et les règles consignées dans les premiers livres de la Bible. Et nous savons que le Christ a toujours préféré les pécheurs à ceux qui se sentaient justes. Pourquoi ne préférait-Il pas ceux qui observaient scrupuleusement les règles et avaient évidemment raison de le faire ? Parce qu’ils étaient tentés d’estimer que Dieu leur était alors redevable. Le danger est qu’une personne juive ou chrétienne qui observe tous les commandements puisse croire qu’elle mérite d’être récompensée et que les portes du Royaume lui sont ouvertes.

Ce danger a été souligné par des rabbins qui, utilisent les mêmes mots que ceux de l’Evangile : « Observer les commandements de Dieu n’est pas une garantie de récompense. Ne soyez pas comme des serviteurs qui servent leur maître pour recevoir un salaire » – est-il écrit dans un commentaire rabbinique. Pour nous, chrétiens, au chapitre 17 de l’Evangile de Luc, le Christ prend l’exemple d’un serviteur qui aurait bien labouré le champ de son maître. Il demande à Ses disciples : «  Le maître a-t-il de la reconnaissance envers ce serviteur parce qu’il a fait ce qui lui avait été ordonné ? » – et sans attendre de réponse, le Christ ajoute : « vous aussi, quand vous avez fait tout ce qui vous était ordonné, dites : Nous sommes des serviteurs quelconques. Nous avons fait seulement ce que nous devions faire ». Dans l’Ancien, comme dans le Nouveau testament, nous ne sommes pas appelés à labourer un champ, mais à atteindre, ou en tout cas à chercher à atteindre la perfection. Et nous sommes loin « d’avoir fait tout ce qui nous a été, et nous est ordonné ».

Cela donne un autre éclairage à la fausse polémique sur la priorité qu’il faudrait accorder à la foi ou aux œuvres. Notre foi, comme nos œuvres seront toujours insuffisantes. Si nos mérites pouvaient assurer notre salut, le Christ ne serait pas mort sur la Croix pour assurer le salut des héritiers d’Adam que nous sommes. Et si notre foi était suffisante, nous serions proches de la perfection.

Alors quelle est la solution à nos problèmes spirituels ? Sachant que nous ne serons jamais parfaits, faisons tout pour essayer de l’être, et à chaque fois que nous tomberons, ce qui est largement prévisible, relevons-nous et demandons pardon à Dieu – qui l’accorde toujours. Demandons pardon sans jamais chercher d’excuses, et considérons tous les désagréments qui nous accablent dans notre existence comme mérités. Le p. Nikon Vorobiov, un prêtre russe de la première moitié du 20-ème siècle, écrivait à ses enfants spirituels : « Nous avons une dette envers le Seigneur, une dette que nous ne pourrons rembourser (la dette, ce sont les souffrances et la mort du Christ sur la Croix, et tout ce que nous avons reçu à notre naissance) ». Le p. Nikon poursuit : « Aucun exploit, aucun sacrifice, aucune bonne action ne feront l’affaire ». (…) Supportons les vexations, les reproches, les injustices, (…) acceptons les maladies, et (…) portons les fardeaux les uns des autres, pour compenser ne serait-ce qu’un peu notre manque d’efforts spirituels ».

Pour en revenir à la formule « Le Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier » et pour justifier cette formule, l’on peut s’appuyer sur une autre citation du p. Nikon : « Les saints se repentent jusqu’à leur dernier soupir, car ils se sentent indignes d’être proches de Dieu et donc indignes du Royaume. Alors que plus l’homme est pécheur, moins il voit ses péchés et plus il juge les autres avec sévérité ».

Nous pouvons reformuler cette phrase : « Plus l’homme est proche de la sainteté, plus il voit ses propres péchés et moins il juge son prochain. » A nous d’en tirer les conclusions.

La proscomédie

La proscomédie. Troyes mai 2015

 Quand notre paroisse n’avait pas de site-internet, nous publiions des bulletins paroissiaux, plus ou moins trimestriels. Il y a huit ans l’un de ces bulletins était consacré à la proscomédie. Je pense qu’il serait utile de revenir sur cette question – il s’agit de la phase préparatoire à la liturgie. Elle est indispensable, et cette phase est symbolique, c’est-à-dire qu’elle manifeste de façon concrète des réalités qui ne sont pas visibles à nos yeux, parce que nous sommes très loin de la perfection, parce que, en langue des Evangiles, nous sommes aveugles, ou en tout cas mal-voyants sur le plan spirituel.

Après avoir lu les prières d’entrée, le prêtre entre dans le sanctuaire, il revêt ses vêtements sacerdotaux, puis il se dirige vers la table de préparation, située à gauche de l’autel. Il commence à célébrer la proscomédie, la préparation à la liturgie. Il prend l’un des cinq pains ronds, nécessaires à la liturgie. Ces cinq pains levés sont faits à partir d’une farine blanche, de levure et d’eau. Ils sont constitués de deux parties superposées. Chacune de ces parties représente l’une des deux natures du Christ, complètement homme et complètement Dieu.

Le prêtre découpe le premier pain des quatre côtés, puis il en découpe le fond et pose le cube obtenu au milieu de la patène. C’est l’Agneau qui symblise le Christ, c’est l’Agneau qui servira à la communion du clergé et des fidèles.

Ensuite, il découpe une parcelle triangulaire dans un second pain et la dépose sur la patène, à la droite de l’Agneau. Cette parcelle symbolise, cette parcelle représente la Mère de Dieu, la Mère du Christ.

Le prêtre prélève ensuite neuf petites parcelles d’un troisième pain qu’il dispose à gauche de l’Agneau. Chacune de ces parcelles symbolise l’une des neuf catégories de saints, dont il cite un certain nombre de noms.

En prélevant la première parcelle, le célébrant mentionne le prophète et précurseur Jean Baptiste.

         En prélevant la seconde, il mentionne les prophètes Moise, Aaron, Elie, Isaïe, David, Jessé, Daniel et tous les prophètes.

En prélevant la troisième parcelle, le prêtre mentionne les apôtres Pierre et Paul et les autres apôtres.

En prélevant la quatrième parcelle, il mentionne les saints évêques, les hiérarques et les docteurs de la foi Basile le Grand, Grégoire le théologien, Jean Chrysostome, Irénée de Lyon, Hilaire de Poitiers, Germain d’Auxerre, Martin de Tours et un certain nombre d’autres grands docteurs de la foi.

En prélevant la cinquième parcelle, il mentionne une série de martyrs.

La sixième parcelle symbolise les pères théophores, c’est à dire porteurs de Dieu, les moines Antoine, Benoît, Serge de Radonège, Séraphin de Sarov, et des moniales, dont Marie l’Egyptienne.

La septième parcelle symbolise les saints thaumaturges, les guérisseurs anargyres, qui soignaient gratuitement. Il cite Côme, Damien, saint Pantaléon et d’autres saints guérisseurs.

En prélevant la huitième parcelle, le prêtre commémore ceux qu’on appelle les Ancêtres de Dieu, Joachim et Anne, le ou les saints patrons de l’église où il célèbre, les saints du jour mentionnés dans le calendrier et les saints qu’il a envie de commémorer.

La neuvième et dernière parcelle du troisième pain est prélevée en mémoire de l’auteur de la liturgie qui est célébrée – saint Jean Chrysostome ou saint Basile le Grand.

Il reste deux pains : la quatrième, et la cinquième et dernière prosphore.

Le prêtre découpe deux parcelles dans la quatrième prosphore – une première parcelle en commémorant ses autorités ecclésiastiques, le patriarche et l’évêque dont il dépend, et une seconde parcelle pour le pays où la liturgie est célébrée, ses autorités civiles et sa population, et il dispose les parcelles sur la patène devant l’Agneau.

Et enfin, le prêtre découpe une parcelle dans la cinquième prosphore en commémorant les défunts patriarches, les fondateurs de l’église où il célèbre et tous les défunts et il pose la parcelle également devant l’Agneau.

Ensuite le prêtre prélève des parcelles pour tous les vivants et tous les défunts qu’il désire commémorer. Il dépose ces parcelles sur la patène devant le Christ, devant l’Agneau qui servira pour la communion.

Ensuite, et c’est là que vous intervenez, les fidèles présents apportent leurs dyptiques, c’est à dire les listes de vivants et de défunts, avec une petite prosphore, qu’ils peuvent se procurer à la table où l’on vend les cierges. Le prêtre prélève des parcelles pour les vivants et les défunts, dont les paroissiens lisent les prénoms à haute voix. Tous seront associés à la liturgie et le prêtre demandera à la fin de l’office que Dieu efface leurs péchés.

Les paroles exactes sont : «  Lave, Seigneur, par Ton sang précieux, les péchés de Tes serviteurs dont il a été fait mémoire ici, par les prières de Tes saints. » Vous aurez été des co-célébrants.

Pour résumer, sur la patène, l’Agneau, c’est à dire le Christ est entouré par l’Eglise tout entière qui est rassemblée autour du Christ à chaque liturgie, partout où elle est célébrée.

La lecture des dyptiques se faisant en dehors de l’autel, avant le début de la liturgie de la parole, tout le monde peut s’approcher, de la table de préparation des Dons en apportant ses prosphores, pour lire à haute voix les noms figurant sur les dyptiques, les listes remplies au préalable. Pour ceux qui arrivent en retard ou juste pour le début de la liturgie, tout le monde n’habite pas près de l’église, la lecture des dyptiques peut se faire pendant que le chœur chante les antiennes, après la grande et les deux petites litanies du début de la liturgie, et ensuite juste pendant le chant de l’hymne des chérubins, juste avant la grande entrée, quand le prêtre transfère les dons de la table de préparation à l’autel.

Ne négligez pas cette dernière possibilité. C’est loin d’être la solution idéale, mais c’est mieux que de ne pas le faire.

Guérison d’un aveugle à Jéricho

1 Tm, 1, 15-17 Lc. 18, 35-43

 L’évangile d’aujourd’hui rapporte la guérison d’un aveugle à Jéricho en Judée. Le miracle est rapporté sous forme d’un dialogue. Un aveugle entend passer une foule et apprenant qu’elle entoure le Christ, demande par deux fois qu’Il le prenne en pitié. Le Christ l’interroge alors sur ce qu’il attend de Lui. L’aveugle répond qu’il veut recouvrer la vue. Il Le croit capable de le faire et sa foi conditionne le miracle. Il est dit qu’ensuite le miraculé suivit Jésus en rendant gloire à Dieu. L’on peut supposer qu’il est devenu disciple du Christ, l’évangéliste Marc cite son nom – Bartimée. En conclusion, il est dit que voyant cela, tout le peuple fit monter sa louange.

En quoi ce récit nous concerne-t-il ? En tout. Le Christ a dit qu’Il n’était pas venu pour sauver les justes, mais les pécheurs, non les bien-portants, mais les malades, non les voyants, mais les aveugles – sachant qu’en fait, personne n’est vraiment juste. Nous sommes tous malades sur le plan spirituel, nous sommes tous aveugles. Si nous pensons le contraire, si nous pensons que tout va à peu près bien dans notre relation avec Dieu, nous nous trompons lourdement et notre vue est plus mauvaise que celle de l’aveugle de l’évangile d’aujourd’hui.

Alors, que Dieu attend-Il de nous ? Il suffit de reproduire le schéma de l’extrait de l’Evangile que nous venons d’entendre. Il attend de nous que nous nous adressions à Lui par notre prière individuelle et collective, que nous fassions le premier pas, parce que nous sommes libres et que Dieu ne force jamais la main. Il attend de nous que nous prenions conscience de notre faiblesse et de notre imperfection et demandions notre guérison et la voulions vraiment. Il attend de nous que nous ayons une foi suffisante en la possibilité de cette guérison. Il attend que cette guérison soit suivie d’effets dans notre vie, que nous suivions le Christ et assimilions Son enseignement. En un mot, Il attend notre conversion afin que nous soyons la lumière du monde et qu’en voyant notre métamorphose, le monde entier se convertisse, se tourne vers Lui.

La conversion est difficile. Elle suppose que nous fassions notre état des lieux spirituel, sans concession, et acceptions le verdict avec humilité. Elle suppose que nous ayons une confiance totale en Dieu. L’apôtre Jacques rappelle dans son épître que « nous devons demander à Dieu la sagesse qui nous manque, avec foi, sans éprouver le moindre doute, car celui qui doute ressemble à la houle marine que le vent soulève, (…) et qu’on n’imagine pas que le Seigneur donnera quoi que ce soit à un homme partagé, fluctuant dans toutes ses démarches ». Nous ne pouvons que reprendre les paroles du père de l’enfant possédé : « Je crois, Seigneur ! Viens au secours de mon manque de foi ! »

La conversion suppose enfin que nous aimions notre prochain et ne souhaitions jamais de mal à nos ennemis.

Si nous parvenons à aimer notre prochain, à ne pas juger, à nous laisser guider dans notre vie par le discours sur la Montagne, par les Béatitudes, alors nous pourrons peut-être espérer participer à l’évangélisation du monde à laquelle le Christ appelle tous les chrétiens dans les derniers mots de l’Evangile de Matthieu. Ne soyons pas un contre-témoignage. C’est ce à quoi appelle Saint Paul quand il recommande aux Ephésiens de « vivre en enfants de lumière ». Il ajoute que « le fruit de la lumière s’appelle bonté, justice et vérité ».