Troyes 10 / 2014

2Co 9, 6-11 Troyes 10 / 2014

           Dans la lecture d’aujourd’hui, l’apôtre Paul met l’accent sur la générosité qui devrait se manifester au sein des communautés chrétiennes, lorsque l’une ou plusieurs d’entre elles ont besoin de soutien matériel. Il s’appuie sur une citation composée à partir de deux extraits du livre des Proverbes de l’Ancien testament. « Qui sème chichement, chichement aussi moissonnera, et qui sème largement, largement aussi moissonnera ». Le message semble clair – les gens généreux seront récompensés, ceux qui ne le sont pas, n’auront pas de récompense.

            En fait, le message n’est pas aussi limpide qu’il y paraît ; voyons les citations des proverbes sur lesquels l’apôtre Paul s’est appuyé : « Qui sème l’injustice récolte la calamité » – est-il écrit au chapitre 22, verset 8 du livre des Proverbes, et au chapitre 11, verset 24 : « Tel fait des largesses et s’enrichit encore, tel autre épargne plus qu’il ne faut et connaît l’indigence ». Tout cela semblerait indiquer que lorsque l’on fait le bien et lorsqu’on est généreux, la récompense vient plus ou moins rapidement et quand on « sème l’injustice » quand on manque de générosité, la punition vient aussi plus ou moins rapidement. Deux questions se posent. D’abord, de quelle récompense s’agit-il et, ensuite, y-a-t-il vraiment automatisme – une attitude positive, la bonté sont-elles toujours récompensées et, inversement, une attitude négative, le mal sont-ils toujours suivis d’un châtiment ? S’il s’agit d’une récompense ou d’un châtiment sur cette terre, la réponse est manifestement non. L’expérience prouve que cette loi est loin d’être absolue. Les voleurs, les assassins ne sont pas toujours punis ici-bas, et l’on pourrait même croire que certains d’entre eux seraient même en quelque sorte récompensés par leur bien-être, par leur niveau de vie. Quand on demande au Christ si les infirmes de naissance paient pour les fautes de leurs parents, Il répond par la négative. En fait, la récompense ou le châtiment ne sont jamais immédiats, il faudra attendre la fin de notre vie terrestre, et la récompense ou le châtiment ne seront pas matériels. Dieu nous laisse entièrement libres – libres de nous sauver, libres de nous damner. Si faire le bien était immédiatement récompensé, et largement, plus personne ne ferait le mal et nous ne serions plus libres de nos choix, à moins d’être inconscients.

            D’autres questions viennent s’ajouter à propos de l’efficacité ou de l’inefficacité de la prière. Les Pères de l’Eglise distinguent quatre sortes de prières – la glorification ou doxologie, quand nous louons Dieu, l’action de grâce quand nous Le remercions, la prière repentante, quand nous prenons conscience de notre état de pécheurs et demandons pardon à Dieu et, enfin, la prière de demande – celle qui, malheureusement, nous intéresse le plus. Elle devrait venir en dernier, la plupart du temps, elle vient en premier. Essayons de respecter l’ordre préconisé par les Pères.

            Dans les trois premières catégories de prières, nous n’attendons rien, sinon le pardon de nos fautes – et nous savons que Dieu pardonne soixante-dix sept fois le péché, c’est-à-dire toujours, si nous sommes sincères, et si nous avons nous-mêmes pardonné ses fautes à notre prochain.

            Alors, dernière question – que faut-il faire pour que nos prières de demandes soient entendues, pour qu’elles soient suivies d’effets ? Nous trouvons les réponses dans les Evangiles, dans les épîtres des apôtres et chez les Pères de l’Eglise. « Tout ce que vous demanderez dans la prière avec foi, vous le recevrez » dit le Christ dans le Chapitre 21 de Matthieu. Celui qui donne le plus de conseils dans le domaine de la prière est l’apôtre Jacques dans son épître. L’on doit demander la sagesse en priorité et le faire « avec foi, sans éprouver de doutes ». La sagesse nous soufflera ce qu’il convient de demander et ce qu’il faut oublier parce que cela va à l’encontre des plans de Dieu.

            Un saint, mort au début du 19-ème siècle, saint Nicodème du Mont Athos, ajoute qu’il faut être « patient et persévérant ». Il prend l’exemple d’Abraham à qui Dieu a promis une grande postérité – et qui a du attendre sa quatre-vingt sixième année pour avoir un premier fils et son centième anniversaire pour en avoir un second … St Nicodème cite le Père Macaire, un Père égyptien : « Quand on ne reçoit pas rapidement ce que l’on demande, c’est parce que Dieu tarde à répondre, pour obliger celui qui prie à persévérer dans sa prière ».

            Saint Jean Chrysostome va encore plus loin – « Dieu donne ou ne donne pas, – écrit-il, les deux cas sont utiles – dans le non-recevoir, on reçoit quand même. Ne pas recevoir est parfois plus avantageux que recevoir, car dans tous les cas, Dieu donne. L’échec est parfois plus utile que la réussite ».

            Le bien est rarement récompensé ici-bas, le mal est rarement puni. L’actualité, malheureusement, l’illustre presque tous les jours. « Les jugements de Dieu sont insondables et Ses voies sont impénétrables » a écrit St Paul à la fin du chapitre 11 de l’épître aux Romains. Cela signifie que nous ne sommes pas en mesure de tout comprendre et que les épreuves que nous traversons nous font mûrir sur le plan spirituel, qu’elles sont des croix que nous sommes appelés à porter.

        Mais retenons que, quand nous faisons le bien, il ne faut pas attendre de récompense. Il faut le faire parce que c’est ce que Dieu attend de nous. Et quand nous prions, ne comptons pas sur un résultat immédiat, soyons confiants – Dieu sait ce dont nous avons besoin, le Christ l’a dit.