5-ème dimanche de carême Troyes 2016

 Dimanche prochain, nous fêterons l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem qui sera suivie de la semaine de la Passion qui aboutira à la fête de la Résurrection du Christ. Le Grand carême est un temps de prière, de jeûne et de méditation. Pendant le carême, nous essayons de vivre comme nous devrions vivre en permanence, tout le reste de l’année. Faisons le point. En quoi nous distinguons-nous de ceux qui ne sont pas chrétiens ? En quoi nous distinguons-nous des chrétiens dont le chemin est plus ou moins différent du nôtre, même si nous allons dans la même direction ? Et enfin, sommes-nous vraiment ecclésialisés ?

L’ecclésialisation de notre vie, préconisée par nos prédécesseurs dans l’Archevêché, fait partie de l’héritage que nous avons reçu du Concile de Moscou de 1917-1918. La racine de ce mot est « ecclesia » – « église » en grec. L’Eglise, cette construction mystique dont le Christ est la tête et les vivants et les défunts sont le corps, est aussi l’institution humaine, fondée par le Christ. L’ecclésialisation de notre vie est notre participation à cet édifice à la fois mystique et humain. Elle est un mode de vie, complété par une prière, par un dialogue avec Dieu à la fois individuel et collectif. L’ecclésialisation ne s’arrête pas dès que nous sommes sortis de l’église avec un « e » minuscule. Elle se manifeste aussi, ou ne se manifeste pas dans notre quotidien.

Quelle part accordons-nous à « l’individuel », quelle part accordons-nous au « collectif », et à l’Eglise-institution ? La tentation est grande de se passer d’intermédiaire, avec l’illusion que l’on peut avoir, tout seul, une relation directe avec Dieu. Dans la prière que le Christ nous a léguée, nous n’utilisons que la première personne du pluriel – nous nous adressons à « notre Père». Dans la prière à l’Esprit Saint, dans la prière au Roi céleste, c’est aussi le « nous » qui est utilisé. Dans ces deux prières, il ne s’agit pas d’un « nous » littéraire, il s’agit d’un « nous » collectif qui désigne l’ensemble que nous constituons dans l’Eglise. Le Christ a dit à Ses disciples que « là où deux ou trois seraient réunis en Son Nom, Il serait au milieu d’eux ». C’est en s’appuyant sur ces paroles qu’au cours de la liturgie, le célébrant annonce aux fidèles : « le Christ est parmi nous » et qu’ils répondent : « Il est et Il sera ». Que ce soit dans les litanies ou dans presque toutes les prières, la 1-ère personne du pluriel prédomine très nettement sur la première du singulier. Nous ne passons à la première personne du singulier, nous ne passons au « je », qu’à deux moment de la liturgie : dans le credo : « Je crois en un seul Dieu, (…) et dans la prière avant la communion : « Je crois, Seigneur et je confesse, que Tu es en vérité le Christ, le Fils du Dieu vivant, venu sauver les pécheurs dont je suis le premier ». Le « je » est la marque d’un engagement personnel. Mais nous nous engageons tous ensemble.

Quelles conclusions peut-on tirer de tout cela ? La foi ne peut être qu’individuelle, mais elle n’a aucun sens si elle est centrée sur notre seule personne. La prière doit également, impérativement, être collective. On ne peut faire abstraction de son prochain. D’ailleurs, un prêtre orthodoxe n’a pas le droit de célébrer seul. L’Esprit est, certes, présent en tout lieu, et la prière individuelle est nécessaire et incontournable. Mais le Christ nous demande de la compléter par une prière collective, dont nous ne pouvons faire l’économie. L’une ne va pas sans l’autre. Et la vie spirituelle est plus que bancale, si l’on privilégie la prière individuelle, si l’on estime que l’on peut se passer de la prière collective en Eglise.

Dans la liturgie de Saint Basile nous prions pour ceux qui se sont absentés pour « de justes raisons », pour des raisons de santé ou de force majeure. Cela veut dire que dans la plupart des cas, quand nous n’allons pas aux offices pour «convenances personnelles», pour ne pas dire autre chose, nous nous mettons en dehors de l’Eglise (avec un E majuscule). Le carême est là pour nous aider à retrouver le bon chemin, essayons d’en tirer profit, sans oublier que dans notre paroisse, avec des vêpres et une liturgie mensuelles, le régime est plus que léger par rapport aux normes orthodoxes en vigueur. Gardons à l’esprit que les offices nous apportent plus de bienfaits qu’ils ne nous demandent d’efforts, et que les négliger est dangereux sur le plan spirituel.