Guérison d’un aveugle à Jéricho

1 Tm, 1, 15-17 Lc. 18, 35-43

 L’évangile d’aujourd’hui rapporte la guérison d’un aveugle à Jéricho en Judée. Le miracle est rapporté sous forme d’un dialogue. Un aveugle entend passer une foule et apprenant qu’elle entoure le Christ, demande par deux fois qu’Il le prenne en pitié. Le Christ l’interroge alors sur ce qu’il attend de Lui. L’aveugle répond qu’il veut recouvrer la vue. Il Le croit capable de le faire et sa foi conditionne le miracle. Il est dit qu’ensuite le miraculé suivit Jésus en rendant gloire à Dieu. L’on peut supposer qu’il est devenu disciple du Christ, l’évangéliste Marc cite son nom – Bartimée. En conclusion, il est dit que voyant cela, tout le peuple fit monter sa louange.

En quoi ce récit nous concerne-t-il ? En tout. Le Christ a dit qu’Il n’était pas venu pour sauver les justes, mais les pécheurs, non les bien-portants, mais les malades, non les voyants, mais les aveugles – sachant qu’en fait, personne n’est vraiment juste. Nous sommes tous malades sur le plan spirituel, nous sommes tous aveugles. Si nous pensons le contraire, si nous pensons que tout va à peu près bien dans notre relation avec Dieu, nous nous trompons lourdement et notre vue est plus mauvaise que celle de l’aveugle de l’évangile d’aujourd’hui.

Alors, que Dieu attend-Il de nous ? Il suffit de reproduire le schéma de l’extrait de l’Evangile que nous venons d’entendre. Il attend de nous que nous nous adressions à Lui par notre prière individuelle et collective, que nous fassions le premier pas, parce que nous sommes libres et que Dieu ne force jamais la main. Il attend de nous que nous prenions conscience de notre faiblesse et de notre imperfection et demandions notre guérison et la voulions vraiment. Il attend de nous que nous ayons une foi suffisante en la possibilité de cette guérison. Il attend que cette guérison soit suivie d’effets dans notre vie, que nous suivions le Christ et assimilions Son enseignement. En un mot, Il attend notre conversion afin que nous soyons la lumière du monde et qu’en voyant notre métamorphose, le monde entier se convertisse, se tourne vers Lui.

La conversion est difficile. Elle suppose que nous fassions notre état des lieux spirituel, sans concession, et acceptions le verdict avec humilité. Elle suppose que nous ayons une confiance totale en Dieu. L’apôtre Jacques rappelle dans son épître que « nous devons demander à Dieu la sagesse qui nous manque, avec foi, sans éprouver le moindre doute, car celui qui doute ressemble à la houle marine que le vent soulève, (…) et qu’on n’imagine pas que le Seigneur donnera quoi que ce soit à un homme partagé, fluctuant dans toutes ses démarches ». Nous ne pouvons que reprendre les paroles du père de l’enfant possédé : « Je crois, Seigneur ! Viens au secours de mon manque de foi ! »

La conversion suppose enfin que nous aimions notre prochain et ne souhaitions jamais de mal à nos ennemis.

Si nous parvenons à aimer notre prochain, à ne pas juger, à nous laisser guider dans notre vie par le discours sur la Montagne, par les Béatitudes, alors nous pourrons peut-être espérer participer à l’évangélisation du monde à laquelle le Christ appelle tous les chrétiens dans les derniers mots de l’Evangile de Matthieu. Ne soyons pas un contre-témoignage. C’est ce à quoi appelle Saint Paul quand il recommande aux Ephésiens de « vivre en enfants de lumière ». Il ajoute que « le fruit de la lumière s’appelle bonté, justice et vérité ».

Saint Nectaire d’Egine

Saint Nectaire d’Egine – Troyes 11 / 2014

            Nous avons tous la fausse impression que la sainteté, sous toutes ses formes, appartient au passé, à une période qui irait des premiers temps du christianisme jusqu’à la fin du Moyen-Age, et que notre époque au sens large, notre époque à cheval sur deux siècles, le 20-ème et le 21-ème, serait peu propice à la sainteté. Rien n’est plus faux. En plus de tous les saints morts de mort naturelle, rien qu’au 20-ème siècle, il y a eu plus de martyrs chrétiens qu’au cours de tous les autres siècles de notre ère – les milliers d’Arméniens assassinés au début du siècle dernier, les milliers de chrétiens de l’ex-empire russe, morts en camps, en prison, en déportation ou simplement fusillés en rase-campagne, parce que le pouvoir soviétique voulait éradiquer toute croyance religieuse, les 700 000 Serbes exterminés au camp de Jasenovac, parce qu’ils avaient refusé d’apostasier, plus récemment, les coptes d’Egypte et tous les autres chrétiens du Moyen-Orient. Tous ces néo-martyrs ont gonflé et continuent de faire gonfler ces chiffres hallucinants.

            Notre communauté de Troyes est pluriethnique. Français, Russes et russophones apparentés, Serbes, Libanais, Syriens ou Irakiens et Grecs, nous avons tous des saints qui nous sont plus proches, parce qu’ils sont de chez nous, même si, comme l’a écrit Saint Paul, il ne devrait plus y avoir ni Grecs, ni Juifs et donc nos saints sont d’abord des saints communs à tous, et leur origine ethnique n’a qu’une importance relative. Au cours d’une émission orthodoxe qui avait pour thème la sainteté, j’ai recensé, dans notre calendrier orthodoxe, une vingtaine de saints de Troyes et sa région, des saints que nous partageons avec les catholiques, car ils ont été canonisés avant la séparation de nos Eglises.

            Aujourd’hui nous fêtons saint Nectaire d’Egine, un saint grec de la fin du 19-ème siècle et du début du vingtième. Le petit villageois de la Thrace occupée alors par les Turcs, commence, à l’âge adulte, à travailler comme enseignant, puis il fait de brillantes études de théologie à Athènes et devient ensuite le bras-droit et l’ami du patriarche d’Alexandrie qui le sacre évêque, trois ans après son ordination sacerdotale et lui confie la métropole de Lybie. La rapidité de sa promotion et le rayonnement spirituel du futur saint Nectaire suscitent des jalousies, et à son ascension vertigineuse succède une longue période de disgrâce qui durera jusqu’à la fin de sa vie. A la suite de dénonciations calomnieuses, on lui prête des ambitions qu’il n’a jamais eues et lui reproche des écarts qui n’ont jamais eu lieu, il est déposé du jour au lendemain. A chaque fois qu’il réussira à se relever, d’abord à la direction d’une école de théologie, puis quand il fonde un monastère féminin sur l’île d’Egine, des menaces et des vexations permanentes le font démissionner de ses fonctions. Jamais il ne s’est révolté, jamais il n’a protesté, subissant les humiliations et les accusations mensongères en silence. Il meurt, malade, le 8 novembre 1920 dans un hôpital d’Athènes. Saint Nectaire d’Egine a été canonisé en 1961 pour son humilité, sa douceur, son œuvre théologique et son rayonnement spirituel. Il est à l’origine de nombreuses guérisons miraculeuses.

            Saint Nectaire d’Egine est l’auteur d’un grand nombre d’essais théologiques, dont la plupart ont disparu au cours d’un des tremblements de terre qui secouent périodiquement la Grèce, et de lettres pastorales. Il a composé également des hymnes, dont celui qui est souvent chanté ici, en grec, pendant la communion du clergé et dont la composition rappelle celle des hymnes acathistes que l’on aime beaucoup en Russie. Cet hymne y est d’ailleurs chanté en slavon. En voici les paroles de sa première partie :

« Ô Vierge Pure, Souveraine, Immaculée et Mère de Dieu,

Réjouis-Toi, Épouse inépousée.

Ô Vierge Mère Reine, Toison couverte de rosée,

Réjouis-Toi, Épouse inépousée.

Plus élevée que les cieux, plus brillante que le soleil,

Réjouis-Toi, Épouse inépousée.

Ô joie des vierges surpassant les chœurs angéliques,

Réjouis-Toi, Épouse inépousée.

Plus splendide que les cieux, plus pure que la lumière,

Réjouis-Toi, Épouse inépousée.

Plus sainte que les multitudes des armées célestes,

Réjouis-Toi, Épouse inépousée ». Amen.