Liturgie

         L’Eglise a fêté vendredi dernier Saint Jean Chrysostome, dont nous célébrons jusqu’à présent la liturgie qui est un joyau à la fois théologique et esthétique.

        Nous vivons dans un pays qui fut longtemps chrétien. Il l’est un peu moins maintenant. Lorsque l’Eglise était indivise, nos traditions étaient très semblables. Les fresques de l’époque romane ne devaient pas choquer un chrétien de l’Empire byzantin. Après la séparation de nos Eglises, chacune a évolué de façon différente et la tradition catholique, même si elle est restée assez proche de la nôtre a connu un schisme et une autre tradition, plus dépouillée, plus austère a vu le jour sous l’impulsion de Luther et de Calvin. Les animosités qui ont pu naître entre nos Eglises se sont apaisées au 20-ème siècle et nos relations sont maintenant cordiales et fraternelles, malgré nos différences, même s’il reste des incompréhensions, même si persistent, de part et d’autre des jugements, même s’il reste des a priori. C’est regrettable, mais c’est humain. Nous ne sommes pas parfaits. Il arrive que certains, parmi nos frères chrétiens, même bienveillants, émettent des réserves sur ce qu’ils ressentent comme une forme de théâtralité dans nos offices, dans nos liturgies, surtout quand elles sont pontificales.

           Il y a un peu plus de mille ans, le prince Vladimir de Kiev choisissait le christianisme byzantin pour la Russie de l’époque. Ce choix a été effectué à la suite du rapport fait par les ambassadeurs du prince, à leur retour de Constantinople. Ces ambassadeurs, qui avaient assisté à une liturgie à Sainte Sophie, la plus grande église-cathédrale de l’Empire byzantin, s’étaient alors demandé « s’ils étaient au ciel, car sur terre on ne pouvait trouver tant de beauté et de magnificence ». Dans nos églises, nous essayons, à la mesure de nos moyens, de nous inspirer de cette beauté et de cette magnificence.

          La réponse aux réserves des Occidentaux qui émettent des réserves à ce sujet est exprimée très clairement par Monseigneur Kallistos Ware, un évêque orthodoxe britannique. Il vous a souvent été dit ici que la liturgie était une anticipation du Royaume.

           Voici ce qu’en dit Monseigneur Kallistos : « Prier et célébrer, c’est percevoir la beauté spirituelle du Royaume des cieux. C’est exprimer cette beauté, à la fois par des mots, de la poésie et de la musique, par l’art et des actes symboliques et par nos vies tout entières » (…) « Nous louons Dieu non seulement avec des mots, mais aussi de nombreuses autres manières : par la musique, la splendeur des vêtements sacerdotaux, la couleur et les lignes des saintes icônes, l’articulation de l’espace sacré dans le plan de l’église-bâtiment, à travers les gestes symboliques comme le signe de la croix, l’offrande de l’encens ou le fait d’allumer un cierge, par l’usage des composantes fondamentales de la vie humaine que sont l’eau, le pain et le vin, le feu et l’huile ». (…) « Pour un chrétien orthodoxe, il est de la plus haute importance que la célébration exprime la joie et la beauté du Royaume des cieux. Sans cette dimension de la beauté, notre louange ne réussira jamais à être une prière au plein sens du terme ».

             Dostoïevsky ne disait rien d’autre quand il affirmait que « le monde serait sauvé par la beauté ».

            Monseigneur Kallistos ajoute que « cette joie et cette beauté du Royaume ne peuvent être convenablement exposées par des arguments abstraits et des explications logiques ; on doit faire l’expérience et non en discuter ». (…) « Toute la valeur du symbole dans la célébration réside dans le fait qu’il exprime quelque chose qui ne peut être dit uniquement par des paroles, que le symbole atteint une part de notre être qui ne peut être touchée par des arguments rationnels ».

            Pour résumer, la prière collective ou individuelle devrait s’affranchir, en partie, du raisonnement intellectuel. Et la perception d’un certain nombre de mystères se fait par imprégnation. La beauté des offices, et l’atmosphère qui y règne, jouent un rôle primordial. Elles laissent entrevoir la beauté infinie qui règne dans le Royaume. La beauté paisible des offices pour les défunts apaise. L’exubérance des offices de la nuit de Pâques fait entrer dans la joie pascale, même ceux qui ne sont pas vraiment pratiquants et ne se sont pas préparés comme il faudrait à la fête. Nous ne cherchons pas la beauté pour la beauté. La beauté n’est pas un but en-soi, mais par son rayonnement, elle participe à la beauté intérieure de ceux qui en sont les témoins. Nous ne sommes pas toujours à la hauteur dans nos efforts, mais il est de notre devoir d’essayer de l’être, à la fois sur les plans esthétique comme spirituel. Dans nos offices, il est normal de vouloir offrir à Dieu ce qu’il y a de meilleur : « Ce qui est à Lui, le tenant de Lui, nous le Lui offrons pour tout et en tout »- nous fait dire Saint Jean Chrysostome.

L’apôtre et évangéliste Luc

Saint Luc, apôtre et évangéliste. Troyes octobre 2015

         L’apôtre et évangéliste Luc que nous fêtons aujourd’hui fait partie des soixante-dix apôtres choisis par le Christ après la troisième Pâque qu’Il a fêtée à Jérusalem. Le chiffre de 70 est symbolique, il fait référence à deux livres de l’Ancien Testament – au Livre de la Genèse où il est écrit que 70 peuples sont issus de la descendance de Noé (au chapitre 10) et au Livre des Nombres où il est rapporté au chapitre 11 que Moïse a réuni 70 anciens sur qui l’esprit s’est posé afin qu’ils prophétisent. L’auteur du livre des Nombres ajoute que ces anciens n’ont exercé que très peu de temps leur don de prophétie.

         L’apôtre Luc a donc fait partie du collège élargi des disciples du Christ, mais pas du groupe des douze apôtres les plus proches. La Tradition dit que Luc était l’un des deux disciples d’Emmaüs.

         L’apôtre Luc est né à Antioche dans une famille de lettrés de culture grecque. Il a étudié la philosophie et la médecine. Ses études l’auraient poussé à adopter le judaïsme avant qu’il ne devienne disciple du Christ. Des quatre évangiles, c’est le sien dont le style est le plus élégant.

         L’apôtre Luc est aussi l’auteur des Actes des apôtres. Il a été le médecin personnel et le secrétaire de l’apôtre Paul qu’il a accompagné dans ses voyages, et ne l’a quitté ni quand Paul a été assigné à résidence à Césarée, ni quand il a été envoyé à Rome pour y être jugé. C’est à Rome que l’apôtre Luc a rédigé son évangile et les Actes des apôtres sous le contrôle de l’apôtre Paul. Après deux ans de captivité, Paul, toujours accompagné de son médecin et secrétaire a visité un certain nombre d’églises locales avant d’être de nouveau emprisonné à Rome, puis condamné à mort. L’apôtre Luc a alors entrepris une série de voyages, faisant un travail d’évangélisation en Italie, sur la Côte Dalmate, en Gaule, en Macédoine, à Antioche et Alexandrie. Il est mort en martyr, à l’âge de 84 ans, en Grèce centrale, dans la ville de Thèbes, capitale de la Béotie où il a été pendu à un olivier.

         Les premiers historiens chrétiens rapportent qu’en plus de ses dons intellectuels, l’apôtre Paul avait des dons d’artiste. Il aurait peint les trois premières icônes de la Mère de Dieu et les lui aurait présentées.

         Ce fait est rapporté dans l’exapostilaire, c’est-à-dire dans le tropaire qui termine le canon des matines de la fête de l’apôtre Luc : « Saint Luc, bienheureux apôtre du Christ, 
initié aux ineffables mystères et docteur des Gentils, avec le divin Paul et la pure Mère de Dieu, 
dont tu as peint la sainte icône avec amour, intercède pour nous qui vénérons 
et disons bienheureuse ta sainte dormition ».

        L’apôtre Luc a aussi peint des icônes des apôtres Pierre et Paul.

         L’apôtre Luc a fait œuvre d’historien. Il est le seul à avoir aussi longuement évoqué la Mère de Dieu, dont il n’est que très rarement fait mention dans les autres Evangiles. La Mère de Dieu est notre intercesseur numéro 1, mais d’autres justes peuvent également intercéder pour nous auprès de Dieu, car Il écoute la prière des justes. Ne négligeons pas le médecin et apôtre Luc pour qu’il demande la guérison de nos maladies physiques et spirituelles.